Des chiens pour alléger le quotidien des patients en soins palliatifs

Emilie Boillat, Nazca et Luna rendent visite à une patiente. Séance câlins assurée. © Kathleen Brosy, Editions L’Ajoie.
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PORRENTRUY Depuis trois ans, Emilie Boillat rend visite aux patients des soins palliatifs avec ses deux chiens de thérapie. La bénévole nous explique son parcours et son quotidien dans l’unité de la cité bruntrutaine. 

Lorsque nous nous rendons aux soins palliatifs de l’Hôpital du Jura à Porrentruy pour faire la rencontre d’Emilie Boillat, nous sommes de suite attendris par des scènes émouvantes entre ses chiens et les patients du service. Ceux-ci n’en sont pas à leur première rencontre avec Nazca, une croisée border collie de 9 ans et Luna, sa fille de 3 ans. 

C’est en juin 2020 que l’aventure de l’habitante de Muriaux originaire de Coeuve débute, dans le cadre d’une formation de monitrice en éducation canine: «Je devais fournir un travail autonome. Comme j’ai toujours eu de l’intérêt pour l’animal en tant qu’accompagnant, je suis partie sur ce sujet.» C’est notamment grâce à un ami qu’elle saute le pas, comme elle l’explique: «Il s’occupait de chiens recalés comme guides d’aveugles pour les former en chiens de thérapie. Petit à petit, il s’est dit qu’il y avait aussi des chiens de famille qui avaient des capacités pour cela. Il a donc fondé l’école Delta. Il m’a alors proposé de trouver une institution pour qu’il me forme avec les chiens.» 

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Avec la crise sanitaire, cela n’est pas chose aisée. C’est sans compter sur la maman de la Franc-Montagnarde, Marie-Pierre Brahier, également intéressée par cette formation:  «Elle était bénévole sans chien aux palliatifs et constatait que certains patients sont dans des états émotionnels qui rendent l’accès difficile. Mais qu’à chaque fois que des chiens venaient leur rendre visite, ils amenaient plus facilement la discussion.» Sa maman fait donc la demande à l’unité, qui accepte de suite sans réellement savoir ce que l’initiative va apporter. «Je venais d’abord seulement pour faire mon travail. Ce service me faisait peur, je n’étais pas forcément à l’aise avec ce domaine. Résultat des courses: trois ans après, je suis toujours là», sourit celle qui s’est formée avec sa mère – et son chien Plume, la sœur de Luna –, et qui rend visite une fois par semaine aux malades.

Apporter une bulle aux patients

Le but de ces visites avec ces animaux polyvalents? Sortir les patients de leur quotidien: «Nazca et Luna leur apportent une bulle, des souvenirs, des émotions. Nous amenons l’extérieur à eux.» Mais comment se déroule une visite, au juste? Emilie Boillat se présente au patient, en laissant ses chiens derrière la porte de la chambre. Après leur avoir mentionné que ces boules de poils l’accompagnent, elle demande si la personne est intéressée à les rencontrer. «Cette indication interroge, et une première émotion ressort suite à cette information. Après, nous pouvons engager un dialogue grâce à plusieurs possibilités. Parfois, ce sont des câlins, d’autres fois, les chiens se couchent avec les personnes dans leur lit. Certains patients leur parlent ou vont les promener.»

La maman de cinq enfants se remémore une scène, avec une patiente d’une soixantaine d’années: «Nous avons eu quelques semaines de beaux échanges. Au départ, nous nous rendions dehors, puis son état s’est péjoré, alors nous nous sommes rencontrées dans sa chambre. La dernière fois que je l’ai vue, elle était en semi-coma, sa famille la veillait. J’ai demandé à ses proches s’ils étaient d’accord que je sois présente dans leur moment d’intimité  – elle est décédée quelques heures après. Ils m’ont répondu que oui, car il s’agissait de son souhait. Luna est montée dans le lit, s’est couchée auprès d’elle. Nazca, au sol, vadrouillait entre les personnes présentes qui la caressaient, lorsqu’elles prenaient la parole pour parler de cette femme. Ensuite, quand j’ai demandé à Luna de descendre du lit afin que nous puissions nous en aller, elle s’est couchée sur le ventre de la patiente, n’a plus voulu bouger et a fermé les yeux. Je me suis dit que quelque chose devait se passer à ce moment.» Faut-il ne pas être trop sensible pour ce genre de bénévolat? Réponse négative d’Emilie Boillat: «Je me laisse vivre l’instant. Et nous avons un psychologue et un aumônier aux soins palliatifs. Nous réalisons une supervision tous les trois mois, durant laquelle nous pouvons déposer les choses qui nous ont touchés. Mais mes chiens m’aident à garder une certaine distance, car ce sont beaucoup eux qui font le travail.»

Kathleen Brosy

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