
DISTRICT Agrijura renforce son message en vue d’endiguer la recrudescence des déchets sauvages dans les prés et les champs. Déclinant la campagne nationale lancée par l’Union suisse des Paysans dans le Jura, la chambre d’agriculture met des affiches et des bâches à disposition des familles paysannes. L’occasion pour certains agriculteurs de se prononcer sur le sujet.
Dix ans après le lancement des premiers panneaux internationaux et d’autres éléments pour inciter la population à ne pas jeter ses déchets dans la nature, une campagne nationale se décline dans tous les cantons. Comme le souligne Agrijura, «depuis quelque temps, la recrudescence des déchets jetés aux bords des routes met le monde agricole en colère». De même, les emballages et autres détritus laissés sur les places de pique-nique sont également en hausse, notamment depuis la crise sanitaire.
En collaboration avec l’Union suisse des paysans (USP), la chambre d’agriculture jurassienne propose donc à partir de cette année de nouveaux panneaux propres à la région à installer le long des routes et, pour la première fois, des bâches portant le message fort «Les déchets tuent nos animaux». Comme le mentionne la faîtière nationale, «l’arrivée des nouveaux panneaux constitue l’occasion idéale de retirer ou remplacer les anciens, décolorés ou endommagés, qui sont contre-productifs car ils donnent à leur tour l’impression de déchets abandonnés».
Le fléau de la canette
Mais qu’ont à dire les agriculteurs ajoulots sur le sujet? Nous avons donné la parole à certains. A Cornol, Jeoffrey Cattin possède des parcelles aux bords de routes passablement fréquentées, en direction d’Alle. «La tendance est assez variable. Avant la première campagne, nous voyions beaucoup plus de déchets. La situation s’est améliorée mais j’ai l’impression que ces dernières années, nous en retrouvons davantage.» Il observe: «Le gros problème est la canette d’aluminium, toujours plus utilisée.» Un vrai fléau lorsqu’elles sont endommagées par les machines de récolte car de petits bouts tranchants peuvent se retrouver dans le fourrage: «Nous ne les voyons pas forcément dans les champs et une fois coupées, elles s’avèrent très dangereuses pour le bétail. Si une vache avale de la ferraille, on lui fait avaler un aimant pour qu’elle s’y colle et ne meurt pas. Mais cette solution ne fonctionne pas avec les canettes. En cas d’ingestion, c’est le décès. La population ne se rend pas compte en lançant ses déchets qu’ils peuvent tuer un animal, que nous ne pouvons rien faire pour le sauver. Nous sommes impuissants…»
Fabrice Cerf, agriculteur basé à Courtemaîche, est lui aussi confronté à la problématique. Il raconte: «Nous ne pouvons pas toujours identifier la cause lorsqu’une vache est malade. Il est possible que nous ayons enregistré des pertes dues à des canettes, qui sont la véritable problématique: les déchets plastiques ne blessent pas. Parfois, nous devons nous résoudre à abattre l’animal pour éviter qu’il souffre.» Celui qui possède également des champs au Mont-de-Coeuve relève un autre souci renvoyant aux promeneurs et non aux automobilistes cette fois: «En plus des déchets jetés, certains ne ramassent pas les crottes de leurs chiens: si elles se retrouvent dans le fourrage, elles peuvent faire avorter un animal: la vache peut en effet perdre son veau en raison des bactéries présentes dans les excréments.»
A Charmoille, Fabrice Nagel ne possède pas de bétail, mais fait tout de même face au fléau dans une moindre mesure. «Le problème est que la population a du mal à respecter la nature et recycler les déchets. De nos jours, pour remplacer les engrais, je fais du compost, un excellent produit pour le sol avec passablement de matières organiques. Et je peux remarquer que les citoyens y jettent du plastique. Les collectivités éprouvent des difficultés à avoir du matériel propre.»
Qui sont les fautifs?
Quant aux déchets jetés par les automobilistes, Fabrice Nagel note: «Je connais des agriculteurs français. C’est encore pire chez eux, on y observe davantage d’incivilités.» Revenons justement sur territoire ajoulot. «Je n’ai pas envie de viser un public, c’est un phénomène général. Mais il est vrai que nous retrouvons passablement de déchets de produits de marques frontalières», ajoute Jeoffrey Cattin. Si des Ajoulots font également leurs courses de l’autre côté de la frontière et achètent donc des produits de marques françaises, l’agriculteur émet tout de même une hypothèse pour tenter d’expliquer cette tendance: «Peut-être que les personnes qui jettent ainsi ont-elles moins de contacts avec les gens de la terre et ne se rendent-elles donc pas compte de la problématique.»
«Je remarque que les employés des usines, souvent frontaliers, vont pique-niquer dans leur voiture dans la campagne et malheureusement, certains jettent leurs déchets au sol», pense de son côté Fabrice Cerf.
Des solutions existent
Mais alors que faire? Pour l’agriculteur de Courtemaîche, il est important de sensibiliser les citoyens dès l’âge de la scolarité. Pour son confrère Fabrice Cerf, ce travail de sensibilisation devrait également être réalisé au sein des entreprises par les employeurs.
«Si nous pouvions amender ces personnes, ce serait super, mais c’est difficile, réfléchit de son côté Jeoffrey Cattin. Comme il s’agit toujours des mêmes marques retrouvées, j’imagine que ce sont les mêmes personnes qui jettent leurs déchets par la fenêtre. Il s’agit donc d’une petite minorité. Mais si nous arrivions à les attraper, les punir ou leur expliquer l’impact de leur geste, ils ne le feraient peut-être plus.»
Kathleen Brosy
Des déchets parfois originaux
Du côté de l’Office de l’environnement, le responsable du Domaine Installations et Activités humaines Christophe Badertscher indique que le canton reçoit des signalements «pour des déchets éliminés en vrac dans la nature tels que sacs, tas, brouettes de déchets de chantier,…» Les cas les plus graves dans lesquels les auteurs peuvent être identifiés sont dénoncés au Ministère public. Le Jurassien note également que parfois, les trouvailles sont originales: «Récemment, plusieurs centaines de steaks hachés périmés ont été déposés en lisière de forêt.» Quant à l’identité et la provenance des personnes en cause, Christophe Badertscher ne confirme pas les hypothèses des agriculteurs: «Nous n’en avons aucune idée. Aucune étude n’a été effectuée par le canton et nous ne possédons pas les ressources à disposition pour suivre le problème de littering sur le terrain». KB