«Il faut dire les choses avec nos mots à nous, pas avec ceux des autres.»

Yves Quiquerez, à Porrentruy, son chez-lui.
Publicité

PORRENTRUY Même s’il couche des vers sur le papier depuis une dizaine d’années, il refuse que l’on dise de lui qu’il est un poète. Modeste et discret, Yves Quiquerez écrit pour garder la trace et la force des moments qu’il vit ici et là, mais aussi afin de lutter à sa manière contre la déshumanisation du monde.

Yves Quiquerez est plutôt du genre réservé, limite timide. Ce qui n’empêche pas qu’il soit aussi un fervent partisan du partage et de l’écoute, ainsi qu’un solide résistant face à un monde qui, comme il le souligne, a la fâcheuse tendance à la déshumanisation. Bruntrutain depuis un bail, connu dans la région pour ses performances sur les terrains de football ou pour son engagement politique, Yves Quiquerez est également un homme de mots et de lettres. Et bien qu’il couche des vers sur le papier depuis pratiquement dix ans maintenant, il refuse de se définir comme un poète. Modeste, il préfère l’expérience aux étiquettes, le plaisir d’écrire à celui d’être lu. «Je ne cherche pas à être reconnu et je ne me suis jamais vraiment senti poète. L’écriture est plutôt une démarche personnelle et intérieure que j’utilise pour exprimer des choses qui me touchent, pour garder en mémoire des moments que j’ai vécu. D’ailleurs, à ce jour, très peu de gens savent que j’écris et encore moins ont lu certains de mes poèmes», note l’intéressé.

Observateur de la vie, amoureux de la nature
Pour trouver l’origine de cette envie d’écrire, de ce besoin de gratter le papier à la recherche de la bonne formule, il faut remonter quelques années en arrière. «L’écriture est relativement récente pour moi mais je pense qu’elle a toujours été présente quelque part. Je pense que ce n’est pas pour rien d’ailleurs que j’ai fait une maturité littéraire latin-anglais. À cette époque, mes profs m’ont certainement donné le goût des belles oeuvres et j’ai donc grandi en lisant Baudelaire, Nerval, Verlaine ou Rimbaud.» Mais la vie étant ce qu’elle est, une fois le Lycée terminé, Yves Quiquerez s’oriente vers des études de droit. Un cursus universitaire qu’il arrêtera, pour des raisons personnelles, à deux examens de la licence. Il s’orientera ensuite dans le domaine bancaire puis vers la fonction publique, au Service des contributions du canton. «C’est plutôt loin de la poésie, n’est-ce pas?», sourit l’intéressé. Et pourtant, il y a dix ans de cela, Yves Quiquerez se surprend à surfer sur Facebook et à constater le besoin des gens de partager des citations de grands écrivains et autres penseurs. «Je ne juge pas, mais en observant tout cela je me suis dit: et pourquoi ne pas dire les choses que l’on a envie de dire avec nos mots à nous, plutôt qu’avec ceux des autres?» C’est à cet instant que l’aventure littéraire d’Yves Quiquerez débute. Observateur averti du quotidien, amoureux de la nature et fervent amateur de longues marches en montagne, le Bruntrutain se sert de ces passions diverses comme autant de sources d’inspiration. Ses vers lui servent alors à la fois d’échappatoire personnel, de petits instants privilégiés loin du bruit du monde et de son agitation. «Écrire, c’est aussi pour moi d’illustrer avec mes mots les émotions du moment, de garder un trace des belles choses, mais surtout des choses simples, que je vis au quotidien, lors de mes randonnées solitaires, lors d’un partage avec celles et ceux que j’aime», souligne Yves Quiquerez.

«La manière dont les mots nous parlent»
Révolté pacifiste d’un monde qui se numérise toujours plus et qui a tendance, selon lui, à mettre des barrières entre les gens, l’Ajoulot utilise également la poésie et les mots pour éviter la fuite en avant et prendre un certain recul vis-à-vis d’une société qui consomme plus qu’elle n’écoute, qui ne court plus qu’elle ne prend le temps. «Pour moi, les poèmes et l’écriture sont vraiment une autre manière de mettre la lumière sur les valeurs qui m’animent, soit le respect, l’attention ou l’empathie.» Inspirés par le beau, par la nature, on l’a dit plus haut, les poèmes d’Yves Quiquerez – dont vous pouvez découvrir un extrait ci-dessous – ne répondent pas à une logique systématique de fond ou de forme. «Quand j’écris, je ne cherche pas à réaliser quelque chose en particulier. Je l’ai dit, je ne suis pas un poète. Ce n’est donc pas forcément l’amour des mots qui m’animent en priorité mais plutôt ce que l’on peut leur faire dire et la manière dont ils nous parlent.»
L’entretien, réalisé par téléphone vu la situation actuelle, touche à sa fin. Mais une question reste sans réponse. Pourquoi avoir gardé secrets ces poèmes durant dix ans et, tout à coup, accepter d’en parler et d’en voir une partie publiée? Et Yves Quiquerez de souligner, en tout simplicité: «Cela m’a coûté un vrai effort mais j’approche de la retraite et je crois que, quand j’aurai plus de temps pour moi, je crois qu’écrire pourrait prendre un peu plus de place encore dans ma vie. On verra.»

Publicité

Sébastien Fasnacht

 

Essentiel

Jeux de lumières entre ciel et frondaisons
Espaces infinis de scintillements 
Epousailles renouvelées sur le lit des horizons
Chuchotements et doux bruissements

Mon regard apaisé capte la finesse de ces mouvements
Je me berce des mélodies offertes
Ma respiration ample se mêle au vent
Unie à la majesté des plaisirs rupestres

Corps léger étendu sur un tapis de mousse verdoyante
Ma tête tournoie sur les ailes étendues du milan noir
Veines gonflées de rivières de sang
Instants de magie reflétés dans ce miroir

Simples et aériens les ressentis se nourrissent
Du moindre frémissement
Prendre au corps ces moments propices
Et danser au rythme des battements 

Je n'ai que faire des chimères et des paillettes dorées
Balayées par les vents contraires et la confusion
Aux bruits lourds des pas endiablés et des foules agitées
Je savoure les sourires livrés à profusion…..

Yves Quiquerez, juin 2013
Publicité