Un nain dans la ville. Laetitia Dell'Estate © Éditions L'Ajoie
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Vos és r’mairtçhè, c’ment moi, çte novèlle « Sentinelle » que reguenait poi Poérreintru… Çi p’tèt l’hanne, çi nabot que s’tïnt coitchi dains ïn paiquèt de bètun d’vaint lés magasïns de l’Esplanade ? An n’y voit ranqu’ lo moére, aivô son rédjôyi sôri èt sai cape è viche. Mains de tiu ât-ce qu’è peut bïn aivoi paivou po s’dïnche coitchi ?

Lés yuns aint musè qu’an aivait r’trovè lai téte de ci gros piainton dés Raindgies… I n’en crais ran. Lai téte di Fritz dait putôt aittendre son houre â fond d’ïn l’étaing, c’ment ïn p’tèt bianc l’angnon dains ïn bocâ de vïnnaigre. Dali, lo réchte di gros piainton dés Raindgies é trovè sai piaice dains lai tchaipèlle de lai Caquerelle. Che an léche faire nôs coronèls, ïn djoué, l’Fritz s’ré aidoré c’ment nos véyes sïnt di Jura : Sïnt Ochanne, Sïnt ‘Mie o Sïnt Fromond… Tiaind an dit qu’lo Diaîle n’ât pu qu’ïn fô !

Dains sés moiyous annèes, l’piainton dés Raindgies v’lait rendre gloûere ès soudaîts qu’aivïnt défendu lai frontiere. En mairtçhaint lai frontiere li-enson, an botait lés Aîdjôlats feû di paiyis. An nôs bairrait lo tchmïn d’lai Suisse…

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Àt-ce que tot d’ïn côp, en déchendaint lo p’tèt l’hanne en lai pouetche de lai vèlle, lés dgens di tçheumnâ v’lant raipplaie és Vadais qu’ès n’faint’pe paitchie de l’Aîdjoûe ? Yôs dire qu’ès dains d’moéraie de l’âtre san d’lai montaigne ?

Mon Dûe, è s’fât méfiaie dés saignats èt dés chumboyes¹.

Po moi, an porait pare lai téte de ci nabot, lai fotre tchus l’coue di piainton dés Raindgies… èt qu’an n’en djaseuche pu.

C’ment vôs, i ainme rire de tot. Ât-ce que vos m’poidgen’réz més moqu’ries ?

Po ç’qu’ât de « l’Art dains lai vèlle », an en porait djasaie bïn grand, mais è y airait craibïn meu è faire, que d’prom’naie ïn nabot dains lai vèlle.

L’micou

-TRADUCTION-

Un nain dans la ville

Vous avez remarqué, comme moi, cette nouvelle « sentinelle » qui erre par Porrentruy… Ce petit homme qui se tient caché dans dans un bloc de béton, devant les magasins de l’Esplanade ? On ne lui voit que le museau, avec son sourire réjoui et sa cape à vis. Mais de qui peut-il avoir bien peur pour se cacher ainsi ?

Les uns ont pensé qu’on avait retrouvé la tête de la sentinelle des Rangiers… Je n’en crois rien. La tête du Fritz doit plutôt attendre son heure au fond d’un étang, comme un petit oignon blanc dans son bocal de vinaigre. Et puis, le reste du gros planton des Rangiers a trouvé sa place dans la chapelle de la Caquerelle… Si on laisse faire nos colonels, un jour, le Fritz sera adoré comme les vieux saints du Jura : Saint Ursanne, Saint Imier, Saint Fromond… Quand on dit que le Diable n’est plus qu’un fou !

Dans ses meilleures années, la sentinelle des Rangiers voulait rendre hommage aux soldats qui avaient défendu la frontière. En traçant la frontière là-en-haut, on jetait les Ajoulots hors du pays. On nous barrait le chemin de la Suisse…

Est-ce que tout d’un coup, en descendant le petit homme à la porte de la ville, les gens du Conseil communal veulent rappeler aux Vadais qu’ils ne font pas partie de l’Ajoie ? Leur dire qu’ils doivent rester de l’autre côté de la montagne ? Mon Dieu, il faut se méfier des signes et des symboles¹.

Pour moi, on pourrait prendre la tête de ce nain, la foutre sur le corps du planton des Rangiers… et qu’on n’en parle plus.

Comme vous, j’aime rire de tout. Me pardonnerez-vous mes moqueries ?

Pour ce qui est de « l’Art dans la ville », on pourrait en parler longtemps, mais il y aurait peut-être mieux à faire que de promener un nain dans la ville.

Un éclairage par Michel Cerf, publié le 18 février 2019, dans notre rubrique web uniquement

 


¹Symbole. Ce mot ne se trouve ni dans le glossaire de Vatré ni dans les grands « pavés » de Jean-Marie Moine. Pourtant, ce dernier, un homme qui porte bien son nom, s’est lancé dans la création de nombreux mots nouveaux, que nos ancêtres n’utilisaient pas… mais qui nous manquent aujourd’hui. Dans cette recherche, il a utilisé des racines connues, et fait appel à sa grande connaissance de notre idiome. Ses travaux peuvent être consultés sur internet :

http://www.image-jura.ch/djasans/spip.php?article293


 
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