
PORRENTRUY L’écrivaine de Porrentruy Elisa Shua Dusapin a décroché cette année de nouvelles distinctions. L’occasion pour la trentenaire d’aborder ces récompenses, mais également ses projets. Entretien avec la Jurassienne.
Votre roman Hiver à Sokcho, qui a reçu de nombreuses distinctions et été traduit dans plus de 30 langues, sera adapté en long-métrage et devrait sortir en salles en 2024. Vous vous êtes rendue en Corée du sud pour le tournage. Comment vivez-vous cet évènement?
C’est toujours un grand honneur, passablement de choses impressionnantes sont survenues depuis la sortie du livre. Toutefois, désormais, les choses ne m’appartiennent plus. Je dois dire que je suis assez détachée à ce sujet, je ressens même une forme de petite lassitude. Pour moi, il est important d’aller de l’avant, de ne pas rester accrochée à ce roman.
Vous avez récemment reçu le prix Jeunesse aux Journées littéraires de Soleure pour la bande dessinée Le Colibri, publiée l’an dernier et illustrée par la Valaisanne Hélène Becquelin. Parlez-nous de cette distinction.
Je ne m’attendais pas du tout à une telle récompense. Il s’agit du plus grand prix national de littérature pour la jeunesse. C’est une grande joie que mon travail ait été reconnu dans ce domaine. J’ai toujours travaillé pour les jeunes, notamment dans le cadre de plusieurs projets collectifs dans le monde du théâtre. Toutefois, il s’agit d’un univers éphémère, il est donc difficile de recevoir une reconnaissance sur le moment dans ce cadre-là. Le fait que mon ouvrage ait marqué est merveilleux. Quelque 120 titres de plus de 70 maisons d’éditions dans trois langues ont été présentés. Je suis donc honorée d’avoir été récompensée.
De quoi parle cet ouvrage, publié aux éditions La Joie de lire?
C’est l’histoire de Célin, qui est décédé et du deuil de son frère Célestin, qui vient d’emménager et qui rencontre sa voisine Lotte sur le toit de son immeuble, dans une grande ville. Le défunt est devenu explorateur du ciel et amène à son petit frère un petit colibri: les deux amis doivent apprendre à s’en occuper. Dans ce livre, j’explore des métaphores sur le deuil, la vie ou encore l’amour.
Le Colibri est le premier livre que vous avez rédigé pour la jeunesse. En quoi cet exercice est-il plus difficile que vos précédents romans?
Sa rédaction n’a pas été plus difficile que mon travail dans sa généralité. L’écriture n’est jamais aisée: au départ, je ne sais jamais comment je vais pouvoir raconter quelque chose, ce que je vais dire. L’enjeu est de rester connectée à mon intuition et mon besoin d’exprimer une émotion. Ce que j’apprécie dans le travail pour la jeunesse, c’est qu’on y trouve moins de filtres, j’essaie donc d’être encore plus sincère. Dans ce cadre, je me sens davantage moi-même et libre, même si l’écriture n’est de loin pas plus facile: le public des enfants ne pardonne pas du tout.
Autre distinction récente: la «Bourse écrivain» de la Fondation Jean-Luc Lagardère…
Les bourses désignent des lauréats une fois par an à des auteurs de moins de 30 ans dans plusieurs domaines, pour ma part dans le cadre de mon projet de roman. Jusqu’ici, je n’avais pas postulé car le délai de candidature ne correspondait jamais aux moments durant lesquels je pouvais parler de mes projets. Il s’agit d’un prix prestigieux en France. Le jury est composé de directeurs des plus grands médias ou maisons d’édition, ce sont des professionnels. Il s’agit de personnes du milieu qui travaillent avec les plus grandes personnalités littéraires, je suis donc honorée que Le vieil incendie, qui était alors presque terminé, ait été récompensé. Les membres du jury ont eu confiance en moi.
Justement, de quoi parle ce nouveau et quatrième roman, paru en août aux Editions Zoé?
Il parle de deux sœurs, Agathe et Véra, dont une est aphasique, qui se retrouvent dans le Périgord pour vider leur maison d’enfance après une dizaine d’années d’éloignement. Il s’agit d’une nouvelle approche du roman et pour une fois, l’histoire ne se passe pas en extrême Orient. Je n’en dirai pas plus!
Propos recueillis par KATHLEEN BROSY