
PORRENTRUY Parti de son Portugal natal à l’aube de son adolescence, Victor Conceicao, désormais 56 ans, est bien connu du football ajoulot et de la vie associative de notre coin de région. Rencontre avec un homme au parcours passionnant.
«Je suis encore une des rares personnes qui soit née à la maison. Le Portugal et mon village à 10 kilomètres de Porto, je les ai quittés à l’âge de 15 ans», lance Victor Conceicao, 56 ans, aîné d’une famille de cinq enfants. Le sportif se souvient d’un quotidien encore assez rudimentaire à l’époque «C’était un peu le Western! Nous n’avions pas l’eau courante chez nous, il fallait s’adapter et aller chercher l’eau au puits à 300 mètres de la maison. Nous étions de grands adeptes du système D.» Le téléphone? «Il fallait aller chez une voisine. On communiquait tout par lettres avec ma copine Cristina, qui est ensuite devenue ma femme», se rappelle Victor.
«Arrivé en Suisse avec mon petit frère Paulo, je savais lire le français mais le parler, c’était un plus compliqué.» Tout le monde le sait, l’apprentissage de la langue de Molière n’est pas une mince affaire. «Un verre, le vert comme la couleur, je viens vers toi… Phonétiquement c’était la même chose mais à l’écrit, c’était différent. Ce n’était pas chose aisée au début», se souvient Victor. Arriver dans un nouveau pays entraîne évidemment aussi son lot de changements et de surprises: «Je me souviens, un jour, à Delémont: j’ai cru apercevoir de la poussière qui tombait du bâtiment. En fait, c’était de la neige! Je n’en avais jamais vue jusque-là…»
100 000 personnes au stade pour un derby
Dans la région, ce dernier a travaillé dans diverses fermes, notamment à Bressaucourt ou encore à Damvant. «A cette période-là nous avons fait les 400 coups, comme construire des piscines dans des silos ou encore faire l’ascension de Roche d’Or en bob tiré par un tracteur. Je pense avoir plusieurs anges gardiens!», sourit-il d’un air nostalgique. A sa majorité, ce dernier a rejoint une menuiserie de Haute-Ajoie. Menuiserie qu’il n’a pas quittée depuis. «Ce que j’apprécie le plus dans mon métier, c’est de voir un produit au départ et d’apprécier son développement.»
Ayant grandi dans une région qui respire le football, à une période où les dragões viennent casser une hégémonie lisboète dans le championnat portugais, c’est tout naturellement que Victor est tombé dans la passion du ballon rond. «Je me rappelle aller au stade avec mes amis, où il n’y avait pas de contrôle à l’époque. Il suffisait de donner la main à un inconnu pour faire croire que c’était notre père. Nous pouvions être plus de 100 000 personnes pour un derby Benfica-Porto!» Chose inimaginable aujourd’hui avec le nombre de restrictions, de contrôles et un stade réduit à une capacité de… 50 000 places.
Dans le lac!
Après avoir effectué une partie de ses juniors à Fontenais, notre sportif s’en est allé successivement à Damvant, Boncourt puis Porrentruy. «Au stade du Tirage, j’ai joué en deuxième ligue avec les Borruat, Germann et autres Maillard. Je me souviens d’un match de barrage-relégation à la Neuveville, où nous nous étions sauvés et avions terminé dans le lac», lance celui qui évoluait comme milieu défensif.
Après avoir porté les couleurs des rouge et noir, Victor Conceicao rejoint le banc de différentes équipes de la région dès le milieu des années 1990, des Juniors C aux actifs en troisième ligue en passant par les féminines. Fait amusant: lors de la saison 2011-2012, ce dernier entraînait à la fois les Juniors B du FC Porrentruy et les Féminines du FC Courtedoux. «Cette année-là, j’ai passé la plus grande partie de mon temps libre sur un terrain. Il est même arrivé une fois que j’ai eu deux matchs à coacher à l’extérieur, par chance au même endroit.» Le soir, notre menuisier de profession, avait encore un match avec les vétérans du FC Courtedoux. Un vrai passionné de football, on l’aura bien compris! Cerise sur le gâteau, le technicien bruntrutain a terminé champion avec ses deux équipes.
Et la suite? Notre invité songe à ranger les crampons. Pour de bon? Notre passionné sera nul doute au bord d’un terrain que cela soit à Courtedoux, Porrentruy ou ailleurs.
Arnaud Juillard