
DISTRICT Quelle a été l’influence de Napoléon Ier sur l’Ajoie? Damien Bregnard, des Archives de l’ancien Evêché de Bâle, à Porrentruy, nous apporte un éclairage passionnant sur cette période.
Pour comprendre l’impact de l’ère napoléonienne sur les terres ajoulotes et ses habitants, il est important de poser le cadre des années qui ont précédé son règne: «Quand le prince-évêque a senti venir le vent de la Révolution française, qui était contre l’Eglise et la noblesse, il est parti en exil en 1792. Sur sol ajoulot, il y avait une certaine agitation politique, ça grouillait», explique l’archiviste Damien Bregnard. La République rauracienne voit le jour. Elle ne dure que quatre mois: «Il s’agissait de révolutionnaires locaux soutenus par les Français. Ils voulaient mettre en place un système comme chez nos voisins.» En 1793, l’Ajoie est annexée à la France sous le nom du Département de Mont-Terrible. En 1800, suite à une refonte des départements français, celui du Mont-Terrible est fusionné avec le Haut-Rhin.
Ces changements impactent passablement la population: «Les gens d’ici étaient tous paysans, cultivaient des terres qui n’étaient pas les leurs: elles appartenaient pour la plupart à des établissements ecclésiastiques. Les agriculteurs travaillaient sans relâche jusqu’à la mort pour gagner trois fois rien, et les autres encaissaient le gros de l’argent. Avec la Révolution française, ces personnes ont pu devenir propriétaires, car les établissements ecclésiastiques ont été expropriés, leurs biens confisqués.»
Période mal vécue
Comme le relève Damien Bregnard, «au début, la Révolution française de 1789 a été très radicale, c’était l’extrême gauche. Elle a amené dans l’Évêché, à son annexion en 1793, le suffrage universel – réservé aux hommes. Puis, le système s’est embourgeoisé petit à petit et encore davantage lorsque Napoléon Ier a été sacré empereur en 1804. C’était de nouveau le régime des bourgeois. C’est devenu une question d’argent. Sous Napoléon, ceux qui avaient de la fortune élisaient des représentants qui avaient encore plus de fortune, et ceux-ci désignaient le parlement».
Mais comment l’ère napoléonienne est-elle vécue par les personnes sur territoire ajoulot? Réponse de l’archiviste: «L’impôt du sang s’est réellement fait sentir. Napoléon était en guerre contre toute l’Europe, ceux que nous appelions les Coalisés, notamment les Anglais, les Prussiens, les Russes et les Autrichiens. Il avait donc besoin d’hommes. Avec le système de conscription, le service militaire a été rendu obligatoire dès 21 ans, ce qui fait que la population d’ici n’a pas gardé un souvenir extraordinaire de cette période.»
La peur des fonctionnaires
Après la défaite française, les réquisitions continuent, au profit des Alliés cette fois. A la fin de l’année 1813 en effet, Napoléon subit un très important revers lors de la bataille des Nations, à Leipzig. Dès lors, les Coalisés obligent les Français à se replier et les poursuivent vers l’ouest, récupérant ainsi leurs territoires. «En décembre 1813, ils sont déjà à Bâle», indique le passionné d’histoire. «Ici, nous n’étions pas bien placés. Nous étions français, donc les perdants.» Le territoire est administré provisoirement par l’Autriche. Une année plus tard, le 20 mars 1815, le Congrès de Vienne décide de rattacher l’Evêché de Bâle au canton de Berne – quelques communes sont cédées à celui de Bâle.
Entre le retour victorieux de Napoléon de l’Ile d’Elbe en mars 1815 – Cent-Jours – et sa défaite finale à Waterloo quelques mois plus tard, «les fonctionnaires employés par les Autrichiens sur territoire ajoulot avaient peur», indique enfin l’archiviste.
Kathleen Brosy