Le coup d’oeil de Simon Beuret

Sa première BD, Eye Contact, a demandé trois années de travail. © Patrick Frey DIPS
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PORRENTRUY Né en 1991 dans la cité bruntrutaine, Simon Beuret est illustrateur-auteur de bandes dessinées et lithographe. Il vit aujourd’hui à Bienne. Son premier opus, Eye Contact, vient de sortir chez Atrabile, maison d’édition indépendante genevoise: 168 pages de talent pur. Rencontre avec cet auteur à suivre de près. 

D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Simon Beuret a toujours dessiné. «Tout petit, je faisais des croquis sur des serviettes de table, au restaurant. Mes parents me donnaient trois crayons pour me faire patienter. Puis j’ai dessiné dans les marges de mes cahiers d’école, pour penser à autre chose qu’aux mathématiques ou à l’allemand… C’était une manière de m’évader ou de remédier à l’ennui. Je me racontais des histoires», explique-t-il, en précisant qu’il a gardé une approche très narrative du dessin, nourri par son admiration pour Sempé, Steinberg et Tomi Ungerer. 

Une vie modeste

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Simon Beuret a ensuite étudié l’illustration à l’École d’art de Lucerne. Une formation artistique dont il garde d’excellents souvenirs: «De belles années qui m’ont permis de pratiquer, d’avoir des projets très différents, de me spécialiser et d’ouvrir de nouvelles portes.» Diplômé en 2016, il a enchaîné les «petits boulots»: il a coupé des arbres, épluché des pommes de terre dans une cantine ou préparé des cocktails dans un bar… Et il n’a jamais cessé de dessiner. Après plusieurs résidences artistiques, Simon Beuret s’est posé à Bienne où il dispose d’un atelier depuis cinq ans, à l’ancien stade de football Gurzelen réhabilité en centre culturel. 

L’illustrateur publie dans différents magazines, réalise des pochettes d’albums vinyles, des affiches et des animations pour des clips musicaux: «J’ai travaillé avec plusieurs groupes de musique et j’aime beaucoup ce genre de mandat d’illustration.» Formé à la lithographie, il travaille également à l’Atelier de gravure de Moutier. Un atelier vieux de 50 ans qui lui permet de rencontrer d’autres artistes… et de gagner de l’argent. «J’ai une vie modeste. Faire de la BD aujourd’hui, ce n’est pas un métier à proprement parler. Les conditions sont très précaires et je n’arrive pas à en vivre. Je suis obligé de m’organiser en faisant autre chose, en complément.»

La passion en premier lieu

Carnet en main, le jeune homme persévère et signe aujourd’hui sa première bande dessinée, Eye Contact, qui est une sorte d’«aventure au coin de la rue»: le personnage principal est un dessinateur solitaire qui observe, traque et dessine les gens qu’il croise, sans être vu. Pour cela, il faut à tout prix éviter de croiser le regard de l’autre, éviter le fameux eye contact qui donne à la BD son titre. De cette occupation, découle une rencontre avec une jeune femme. Ce sera le point de départ d’une odyssée urbaine. L’observateur trouve plus malin que lui: le chasseur devient une proie. Quelle est la part autobiographique de ce personnage? «Ce n’est pas une représentation de moi. Mais j’ai été inspiré de choses que j’ai observées ou vécues. Cela montre aussi la solitude de celui qui observe, le côté obsessionnel que peut revêtir une pratique artistique.» 

Alors qu’il a passé trois années sur ce projet solo, Simon Beuret a reçu un retour très positif de la maison d’édition Atrabile, à qui il avait envoyé le storyboard. D’autres livres sont-ils prévus? «Il y en aura d’autres, l’envie est très forte, mais pour l’instant, je collectionne les esquisses et la suite est floue… Je suis en train d’atterrir, après la publication récente d’Eye Contact.» À travers ce premier livre, l’auteur montre l’étendue de son talent: des dessins à la fois simples et dynamiques, des mouvements amples et vifs, un style narratif qui se marie bien avec les exigences de la bande dessinée. Un coup d’essai que Simon Beuret a transformé en coup de maître.

Caroline Libbrecht

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