
DAMVANT Juillet 2020. Comme toutes les autres, l’école de Damvant a fermé ses portes la semaine dernière. Mais à l’inverse des autres, elle ne les rouvrira pas à la rentrée. Le cercle scolaire de Haute-Ajoie a en effet décidé sa fermeture pour des questions d’effectifs et de vétusté du bâtiment. C’est donc une matinée pas comme les autres à laquelle nous avons assisté.
«Ça reste émouvant.» Pendant que devant elle un élève de 1P s’applique à mettre à jour le calendrier, Dominique Gigon se découvre troublée et s’en étonne presque. Il y a pourtant de quoi: «C’est notre dernier jour d’école à Damvant, rappelle l’enseignante à ses élèves assis en demi-cercle autour d’elle. Pour vous et pour moi, et pour toujours.» Les petits ne bronchent pas. À 5 ou 6 ans, la retraite de la maîtresse et la fermeture de l’école demeurent des notions bien plus abstraites que la perspective d’aller jouer dehors tout à l’heure ou le bobo au genou que l’on brûle de montrer à ses camarades. «Heureusement, sourit Dominique Gigon, avec eux c’est beaucoup moins pathétique!»
C’était donc vendredi dernier à l’école de Damvant. Tout semblait normal dans le village ce matin-là, et pourtant c’est une page qui se tournait. Car à la rentrée, l’école n’accueillera plus d’élèves. La moitié de la classe de Dominique Gigon poursuivra sa scolarité à Grandfontaine, avec les autres 3P du Cercle scolaire de Haute-Ajoie, et l’autre moitié se rendra à Fahy, où seront regroupés tous les élèves de 1P et 2P. L’école de Damvant sera fermée, en raison principalement de «la chute des effectifs à l’école enfantine (à la rentrée 2021, nous n’aurons plus droit à deux classes) et de la vétusté et des conditions sanitaires dans le bâtiment», expliquait la commission d’école dans un communiqué à la mi-mai. «Pour un enseignement d’école enfantine, c’est le paradis, nuance Dominique Gigon. Quand un courant d’air faisait s’ouvrir la porte, les enfants disaient: « Le fantôme de la porte est revenu! ». C’est aussi la seule école de Haute-Ajoie dont les alentours sont sécurisés par une barrière. Mais pour la Commune qui devrait refaire la tuyauterie, les fenêtres, etc., c’est l’enfer, sûrement.»

Aucun enfant de Damvant
Si la décision n’a pas fait que des heureux, elle n’a pas non plus soulevé de tollé. «C’est triste, note une maman venue, avec de nombreuses autres, dire au revoir à la maîtresse à l’heure de la récréation, mais c’est vrai que le bâtiment a fait son temps, même si les alentours sont mieux ici qu’à Fahy.» «Ça fait un pincement au cœur, confie une autre maman, surtout que je suis venue à l’école ici aussi!»
Toutes les deux sont établies à Grandfontaine d’où provenait, bon an mal an, à peu près la moitié de l’effectif. L’école n’accueillait en revanche plus aucun enfant de Damvant, et cela depuis plusieurs années. «Il y a trois bébés dans le village», calcule la Bruntrutaine Dominique Gigon, qui connaît la Haute-Ajoie comme sa poche depuis seize ans qu’elle y enseigne. «Ça fait soixante ans que je suis à l’école», sourit-elle. L’heure officielle de sa retraite sonnera le 1er février prochain, mais elle a préféré s’arrêter un peu plus tôt: «Je ne sais pas quel pincement au cœur j’aurai à la rentrée, mais s’arrêter à la veille des vacances, c’est l’idéal. Et je me suis préparée, j’ai plein de projets, un grand jardin, je bricole énormément… Je ne vais pas m’ennuyer de mes collègues, on ne se voit jamais. Quant aux élèves, chaque fin d’année scolaire est de toute façon une espèce de deuil, quand on doit dire au revoir à des enfants avec lesquels on a tout partagé pendant deux ans. Mais la dernière école restera la plus importante, vous savez comme c’est, les souvenirs s’entassent…» Au revoir donc les enfants de Haute-Ajoie, au revoir maîtresse, et adieu l’école de Damvant.
Claire Jeannerat
Article paru dans notre édition n° 553 du 9 juillet 2020