MONTENOL Le jardin de Muriel Jeannerat n’a pas de clôture. Mieux encore, il se trouve là où poussent librement les plantes sauvages, donc presque partout autour de nous. À force d’apprentissages, de cours et d’expériences, l’Ajoulote a su faire siens des savoirs oubliés et redécouvrir, entre autres, des goûts et des saveurs naturelles.
Une fois quitté le parking qui jouxte la forêt du Banné, il ne faut que quelques pas à Muriel Jeannerat pour se sentir chez elle. «Quand je suis dans la forêt, ou dans la nature en général, j’ai un peu à chaque fois l’impression d’être dans mon jardin.» Joignant le geste au verbe, et après avoir scruté les alentours, elle se penche pour cueillir ce qui, pour l’œil non averti, ressemble tout bonnement à une petite tige verte tout à fait commune, surmontée d’une feuille on ne peut plus classique. «C’est de l’égopode. Cela se cuisine en légume, comme les épinards», sourit notre guide. «D’ailleurs, si vous regardez bien, poursuit-elle en désignant le tapis vert devant elle, il y a ici tout ce qu’il faut pour faire à souper.» On va être honnête: à part une petite dizaine de nuances de vert, rien n’avait attiré notre attention de promeneur du dimanche dans la zone en question. Mais il faut dire, histoire de se consoler un peu et d’oublier plus rapidement ce moment d’ignorance totale, que Muriel Jeannerat a, en matière de fleurs, de plantes et de nature, une solide expérience. Pour ne pas dire une expérience solide.
Toujours le nez par terre
Depuis plusieurs années, Muriel Jeannerat anime des «ateliers fleur arc-en-ciel» riches et variés qui se déclinent autour de la nature, dans son sens le plus large du terme: plantes sauvages comestibles et médicinales, potagers en permaculture, land art, créations végétales et développement personnel en lien avec la terre. Des ateliers qui peuvent se vivre seul, en groupe ou en famille et que l’habitante de Montenol aime à comparer avec les multiples pétales d’une seule et même fleur.

Mais depuis plus longtemps encore, Muriel Jeannerat cultive avec la nature une relation personnelle et particulière. «On allait sans arrêt se balader lorsque les enfants étaient plus petits. J’avais toujours le nez par terre et j’étais sans arrêt frustrée de ne pas savoir comment s’appelait telle ou telle plante, ni à quoi elle pouvait servir». Celle qui, de son propre aveu, «déteste faire tout le temps la même chose», se documente, suit des cours avec l’ethnobotaniste François Couplan, se forme et, surtout passe encore plus de temps dans les champs et les forêts d’ici et d’ailleurs. «Aller se balader, regarder toujours et encore, se «faire l’œil», c’est à mon avis le meilleur moyen d’apprendre. Même si, au départ, j’ai eu l’impression de patauger pendant un sacré moment», rigole Muriel Jeannerat.
Orties, égopodes et aspérule
La balade naturelle et gourmande se poursuit et, une fois encore, le visage de Muriel Jeannerat s’illumine. Elle pose son panier sur le sol et se penche pour cueillir délicatement (parce qu’il est «hors de question d’arracher, et encore moins des plantes rares») un petit bouquet d’aspérule odorante. «Ça, c’est un vrai bonheur pour les papilles. Vous pouvez en faire du sirop ou simplement la sécher et la mettre dans une pièce pour profiter de son parfum.» Une note sucrée qui, après la soupe d’orties et la poêlée d’égopodes, nous permettra de ponctuer le repas du soir. «Le potentiel des plantes qui nous entourent, qu’il soit gustatif ou médicinal pour soigner les petits bobos, est complètement sous-évalué aujourd’hui, constate Muriel Jeannerat. Mais je pense que l’on y revient gentiment.» À condition de prendre le temps et d’avoir soif d’apprendre. «Personnellement, mis à part le fait que c’est dans la nature que je me sens bien, ce qui me pousse à continuer c’est d’avoir toujours quelque chose à découvrir. Jean Gabin avait raison: tout ce qu’on sait, c’est qu’on ne sait jamais!»
Sébastien Fasnacht
Article paru dans notre édition n° 495 du 2 mai 2019