DISTRICT Ils sont près de 500 dans le district à prendre soin de nous. Eux, ce sont ces pompiers volontaires qui ne comptent pas leurs heures pour venir en aide à la population. Avez-vous déjà imaginé tout ce qu’implique un coup de fil d’urgence au numéro 118? Voici l’envers du décor.
Bip… bip. «FEU VHC; A16, Tunnel de Montaigre; feu d’un véhicule, chaussée France; CET JU. Appuyez sur la touche 5 pour confirmer votre engagement, appuyez sur la touche 9 si vous êtes indisponible.» Voici le genre de message que reçoivent les pompiers sur leur téléphone lorsqu’une alerte est donnée. Si, pour les volontaires, il s’agit du coup d’envoi de l’intervention, le travail a déjà commencé pour d’autres. Mais prenons les choses depuis le début.

Les incendies, une minorité
Pour bien comprendre, regardons la structure dans le district. L’Ajoie compte huit SIS (sur 17 dans le canton), des Services d’incendie et de secours répartis par région: Haute-Ajoie, Haute-Ajoie centre, Basse-Allaine, Vendline, Calabri, Mont-Terri, Baroche et Clos du Doubs, plus le CRISP, le Centre de renfort d’incendie et de secours de Porrentruy, qui joue aussi le rôle de SIS pour le chef-lieu. En tout, ce sont quelque 500 pompiers qui peuvent être mobilisés, tous des volontaires, comprenez qu’ils font cela en plus de leur travail. Dans le canton, seules trois personnes sont salariées chez les pompiers: le commandant du CRISP, Daniel La Manna, son homologue delémontain Didier Gisiger, et un inspecteur cantonal à l’ECA, l’Etablissement cantonal d’assurance qui chapeaute le tout.
Contrairement aux idées reçues, la tâche principale des pompiers n’est pas d’éteindre le feu. «Les incendies ne représentent que 20% environ de nos interventions, confirme le commandant bruntrutain Daniel La Manna. Les 80% restants concernent des inondations, des pertes d’hydrocarbures dans la nature, des désincarcérations lors d’accidents de la route (notamment) ou des sauvetages de personnes – quelqu’un qui serait coincé dans un ascenseur ou un malade qui doit rester coucher et que les ambulanciers n’arriveraient pas à sortir par les escaliers, par exemple. Au CRISP, nous sortons entre 100 et 110 fois par année.» Relevons qu’en cas de pollution chimique, des spécialistes du Centre de renfort de Delémont peuvent également être appelés et que des collaborations transfrontalières sont aussi possibles.

Des gardes 24h/24, 7j/7 à Porrentruy
Prenons maintenant un cas concret: pour faire simple, parlons d’un feu qui se déclare dans une grange. Le propriétaire, dès qu’il s’aperçoit des flammes, appelle le 118. «S’il compose le 117, le numéro de la police, c’est pareil. Tous les coups de fil arrivent à la centrale de la police cantonale à Delémont, précise Daniel La Manna. En quelques minutes, l’agent de service pose les questions qui lui permettront d’évaluer la situation: qui, quoi, où, comment, s’il y a des blessés… S’il s’agit d’un feu de bâtiment à Beurnevésin, depuis son ordinateur, il va alarmer les pompiers du SIS Vendline qui recevront un message vocal sur leur téléphone, et en même temps le CRISP. À Porrentruy, on nous alerte systématiquement – excepté pour des petits cas comme des feux de cheminée -, car nous avons du matériel lourd, mais surtout six pompiers de garde 24 heures sur 24 prêts à partir. Imaginez si ça se déroule un mardi matin à 10 heures, ce n’est pas toujours évident pour les volontaires qui travaillent de se dégager…»
Six personnes de garde 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, ce sont 18 Bruntrutains mobilisés chaque semaine, sur un effectif total de 33 sapeurs-pompiers actifs et six recrues. «Il y a trois services de piquet, précise le commandant: un de jour en semaine de 6h à 19h du lundi au vendredi soir; un service de nuit en semaine qui va du lundi au samedi, de 19h à 6h, et le piquet du week-end prêt à partir du samedi 6h au lundi 6h, jour et nuit.» Et les directives sont strictes! «Pendant les gardes, il faut absolument rester sur Porrentruy, car en cas d’urgence, le camion part dans les cinq ou six minutes après l’alarme. Interdiction de boire de l’alcool, il faut avoir son pager en permanence sur soi et pouvoir partir en tout temps. Par contre, si on doit aller chez le dentiste à Delémont, on peut se faire remplacer, mais il faut trouver quelqu’un.» Relevons que les volontaires ne touchent pas d’assurance perte de gain comme les militaires, qu’ils sont seulement soldés… Il ne faut pas compter son temps non plus, car ce n’est qu’après une année de formation en interne, deux cours cantonaux la deuxième année, en plus de cours plus spécifiques et des nombreux exercices propres à chaque SIS que les novices sont autorisés à intervenir. Bref, pour être sapeur-pompier volontaire, ça demande une sacrée motivation!

En service 40 semaines par année
Nicolas Dobler a 30 ans; il a intégré le CRISP il y a 11 ans déjà. «J’ai commencé avant l’âge (fixé à 21 ans, ndlr), parce qu’à Porrentruy il n’y a pas de section pour les jeunes. Mon père a fait 33 ans de pompe, gamin j’allais très souvent avec lui, ça s’est fait un peu tout seul. Maintenant, c’est un peu comme une deuxième famille», sourit-il. Aujourd’hui, il est un habitué des gardes, il travaille même une heure de plus chaque semaine pour rattraper ses absences. «Comme je suis en vieille ville et que mon employeur est très compréhensif, je fais souvent des gardes de jour, plus deux week-ends par mois et une semaine de nuit. C’est sûr, il faut aimer donner de son temps et aider les autres. Et puis il y a aussi cette petite poussée d’adrénaline quand on part en intervention…»
Et les femmes dans tout ça? «Ça vient petit à petit. Lors des recrutements, elles représentent la moitié des jeunes, complète le commandant Daniel La Manna. Mais ça devient plus difficile pour elles avec la vie de famille, les enfants… Physiquement aussi, ce n’est pas toujours évident, nous travaillons avec des engins parfois très lourds.» Quoi qu’il en soit, hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes (la retraite est fixée à 50 ans), tous s’investissent corps et âme pour notre sécurité. Et pour ça, chapeau bas Messieurs-Dames!
Un reportage d’Élise Choulat, publié le 31 octobre 2018, N°471
UNE ASSOCIATION POUR LES JEUNES
Certains SIS ont une section pour les jeunes sapeurs-pompiers (JSP). Réservées aux enfants dès l’âge de 10 ans, ces structures leur permettent de se familiariser avec le monde des pompiers. «À Basse-Allaine par exemple, on fait un peu de tout, comme avec les adultes, à l’exception de la protection respiratoire, explique le responsable Jason Racine. Ce qui fait qu’un jeune qui arrive chez les adultes peut déjà avoir plusieurs années de pratique derrière lui.» Or, aujourd’hui, cette formation n’est pas prise en compte. C’est pour ça qu’une Association des jeunes sapeurs-pompiers du Jura sera créée le 10 novembre prochain. «Le but sera d’harmoniser et d’uniformiser ces formations à l’échelle du canton, et faire en sorte qu’elles soient reconnues! Car un jeune qui a huit ans d’expérience en sait plus qu’un adulte novice.» Cette future association s’adressera donc prioritairement aux moniteurs qui œuvreront à ce que la formation des JSP soit allégée à leur arrivée chez les adultes. ECH
