PORRENTRUY Dans les années 1950, un prestidigitateur bruntrutain parvint à se hisser au premier plan des magiciens internationaux. Maurice Jecker, alias Miltour, quatrième lauréat aux Championnats du monde de magie à Bruxelles en 1955, n’aura eu de cesse d’étonner et mystifier son auditoire.
«L’œil vif, la parole facile, les mains d’une agilité prodigieuse, Maurice Jecker, dont les succès croissent sans cesse chaque jour, est demeuré avant toute chose un bon Ajoulot. Il est de ces hommes qui font connaître au loin notre petite cité et dont le renom rejaillit sur notre belle Ajoie», lit-on dans la presse locale de son temps. Aujourd’hui on ne sait que peu de choses de la vie du prestidigitateur bruntrutain. Introuvable dans le Dictionnaire du Jura (diju.ch) ou ailleurs sur internet, Miltour ne sera probablement pas inconnu des Ajoulots ayant grandi entre 1950 et 1980. Vincent Hammel, fin connaisseur de Porrentruy et de son histoire, se souvient: «Quand j’étais tout petit, j’ai assisté à ses spectacles, lors de célébrations de Noël destinées aux enfants, organisées par le syndicat ouvrier FTMH. Je me souviens également que Miltour se produisait encore sur scène à la fin des années 1970 alors que j’étais apprenti».
Il y a une quinzaine d’années, nostalgique et soucieux de préserver tout ce qui touche à l’histoire de sa ville, le collectionneur invétéré dénicha chez un brocanteur de la cité des princes-évêques le portfolio du prestidigitateur et décida de le mettre en sûreté. Ce portfolio très créatif, riche de 23 pages joliment décorées regroupant photographies, coupures de journaux et images évoquant l’art de la prestidigitation donnent une bonne idée de l’incroyable succès remporté par l’artiste, qui naquit le 12 décembre 1915 et succomba le 18 septembre 1986, à l’âge de 71 ans.
Un magicien de classe internationale
Manipulation et escamotage de cigarettes allumées, transformation d’un foulard en canne, puis d’une canne en chapeau, transformation de confettis en un bon café chaud ou confection d’une omelette dans le chapeau du maire de la ville qui l’accueille, sont au menu. L’illusionniste de classe internationale présentera à de nombreuses reprises son numéro toujours enrichi et amélioré à l’Hôtel du Cheval Blanc et à L’Inter à Porrentruy, mais aussi dans le reste de la Suisse et en France voisine. On lira dans la presse de 1951: «Miltour remportait dernièrement un succès sans précédent à Delle au cours d’un gala dont il fut le roi incontesté. Immédiatement, les organisateurs français voulaient tous le retenir pour leurs manifestations. C’est ainsi que Miltour est actuellement sous contrat pour la plupart des plus beaux bals et manifestations dans les départements du Doubs, Haut-Rhin et Territoire de Belfort.» L’homme est maintes et maintes fois décrit comme un prestidigitateur à la prestance désarmante, à l’habileté et à la dextérité hors du commun, à l’aisance inégalée dans la présentation de ses tours. «L’originalité de Mitour n’est pas seulement de frapper par cet art, de faire apparaître et disparaître, mais de présenter des numéros inédits qui défient la raison et déroutent notre sens de l’observation», poursuit l’article. On apprend dans le Journal de Porrentruy n°23 de 2013, que Maurice Jecker a tenu pendant un temps au 50 de la Grand-Rue de Porrentruy, juste avant la ruelle du Soleil, une boutique de farces et attrapes.
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Quand Miltour se raconte
«L’idée d’être un magicien m’est venue à neuf ans, après la représentation d’un prestidigitateur de passage dans les écoles de Porrentruy. Évidemment, il faut avoir le feu sacré pour pratiquer ce métier, qui consiste à faire précisément que les gens n’y voient que du feu», confie l’artiste au Journal du Jura en 1964. Miltour fait ses débuts sur scène en 1951, à l’occasion d’une kermesse organisée à la grande salle de L’Inter, en faveur du Dispensaire antituberculeux du District de Porrentruy.
Quand les journalistes lui demandent où il trouve l’inspiration pour ses tours et comment il renouvelle son répertoire, le prestidigitateur confie avoir «eu la main heureuse en retrouvant par hasard un très ancien livre de magie blanche, lui servant à puiser des idées pour la création de nouveaux tours adaptés au goût du jour et du public». Miltour confiera également quelles furent ses plus grandes satisfactions lors d’une interview pour Le Démocrate qui titrait Seul adepte dans le Jura d’une profession insolite en 1961: remporter une quatrième place au Congrès international de magie à Bruxelles devant 267 concurrents.
Se produire devant 2500 spectateurs avec le groupe de chanteurs Les Quatre Barbus en 1959 à Bassecourt, ou devant 3000 spectateurs à Belfort lors d’une grande kermesse. Maurice Jecker citera également l’immense plaisir qu’il a éprouvé à participer à des galas dans les grandes stations suisses comme Gstaad ou Grindelwald, où il fut à l’affiche avec la chanteuse parisienne Sylvie Vartan.
Laetitia Dell’Estate
