Quand un traducteur prend la plume…

Walter Rosselli, photo@Yvonne Böhler
Publicité

COEUVE Passionné par les langues, Walter Rosselli traduisait soigneusement les textes des autres, jusqu’à ce que son amour des belles lettres lui donne envie d’écrire à son tour. Jusqu’ici auteur de recueils de nouvelles, il vient de publier son premier roman, Les saisons du Mélèze (Tarabuste Éditions), en janvier dernier.

À écouter Walter Rosselli raconter sa vie, on comprend qu’il a mené, en réalité, plusieurs vies… et qu’il ne s’est jamais résolu à en choisir une seule. Né en 1965, à Preonzo au Tessin, Walter Rosselli ne se destinait pas à l’écriture. Il a d’abord embrassé une carrière scientifique. Ce n’est que plus tard que l’appel de la littérature s’est imposé à lui: «Jusqu’à mes 40 ans, j’ai sauté d’un métier à l’autre sans trop y croire, je me suis souvent trompé de cible… Je me suis obstiné dans quelque chose qui ne me convenait pas, raconte-t-il. Comme j’ai toujours eu un intérêt pour les langues étrangères, à 42 ans, je me suis mis à étudier, à traduire et, plus sporadiquement, à écrire. À 50 ans pile, j’ai obtenu mon master.»

L’arrivée dans le Jura 

Publicité

À la faveur de cette réorientation professionnelle, les études de langues et littératures rhéto-romanes, ibéro-romanes et scandinaves amènent Walter Rosselli à Fribourg et à Zurich. Puis, changement de décor, il se pose à Montreux, pendant six ans, avant d’élire domicile à Coeuve depuis six mois, «en prévision de la retraite». «Ma compagne est originaire du Jura. Alors pourquoi pas passer en terre connue et francophone? On a été tout de suite bien accueillis ici, on aime l’endroit, le climat… On apprécie la vie à la campagne, dans cet environnement de plaine.» 

Walter Rosselli a la chance de se sentir bien partout. Peut-être est-ce lié au fait de manier plusieurs langues de façon indifférenciée. Ainsi, il est autant à l’aise lorsqu’il traduit du français vers l’italien, et inversement, ou du rhéto-roman vers le français ou vers l’italien. À deux reprises, il a remporté le Prix Terra Nova de la Fondation Schiller Suisse: en 2014, pour sa traduction en français du roman d’Oscar Peer, La chasa veglia La vieille maison (Plaisir de lire), et en 2020, pour sa traduction en italien du roman de Cla Biert, La müdada La mutation (Gabriele Capelli Editore). Walter Rosselli a déjà traduit une vingtaine d’œuvres. 

Un premier roman, en français

Fort de cette reconnaissance, le traducteur décide de prendre la plume et se met à écrire de brefs récits. De façon instinctive, les mots lui viennent d’abord en italien: «Cela reste la première langue que j’ai apprise à l’école.» Son premier recueil de nouvelles, Questione di memoria, paraît à l’automne 2017 (Caosfera Edizioni). Suivi de l’œuvre de prose poétique trilingue Babilonia sui generis (Éditions de La Marquise), au printemps 2018. À quelques jours du confinement lié au covid, Paesaggi immaginari (Edizioni Sottoscala) sort en 2020. La plume est fine, la prose est acérée. 

Avec le temps, Walter Rosselli, encouragé par la contribution à la création littéraire octroyée par la Fondation Pro Helvetia, s’est senti prêt à se lancer dans l’écriture d’un premier roman, Les saisons du Mélèze. Pour rédiger les 150 pages de ce livre paru en janvier dernier (Tarabuste Éditions), l’auteur polyglotte a fait, cette fois, le choix du français… Une première pour lui! «J’ai eu envie d’utiliser le français qui est devenu la langue de ma vie de tous les jours pour raconter des anecdotes liées à ma jeunesse. J’ai ensuite retravaillé, réécrit le texte pour en faire une version italienne. L’italien est encore plus épuré que le français. Je n’utilise pas les deux langues de la même façon», explique-t-il.

Les souvenirs flous du passé

Le roman est une ode à la jeunesse de l’auteur. «Ce sont des souvenirs déformés. Des personnes côtoyées dans mon enfance, dans mon village et aux alentours, inspirent les personnages de cette fiction. J’ai inversé leur statut passablement marginal et moyennement apprécié. J’ai essayé de leur donner un rôle un peu plus prestigieux qu’en réalité, j’en ai fait des érudits ayant des idéaux nobles.»

À l’avenir, Walter Rosselli compte continuer à mener de front traduction et écriture: «La première est ma source principale de revenus, tandis que la seconde est l’activité qui me procure du plaisir.» Il sera présent, en tant que traducteur, à la 13e édition du Livre sur les quais qui se tiendra du 2 au 4 septembre 2022, à Morges.

Caroline Libbrecht

Publicité