
DISTRICT Le Plan directeur régional (PDR) a vu le jour en 2017 dans le but de développer et aménager l’ensemble des communes ajoulotes, soumettant des stratégies qui touchent à différents domaines. François Minger, responsable de l’aménagement du territoire au sein du SIDP, nous éclaire sur cet outil.
Tout d’abord, qu’est-ce que le Plan directeur régional (PDR)?
François Minger: C’est un outil stratégique pour la région, pour toutes les communes, peu importe leur typologie: les cœurs de pôle – Porrentruy, Courgenay, Cornol, Alle, Courtedoux et Fontenais –, les communes satellites et celles à typologie «village», ou encore le pôle industriel relais de Boncourt. Selon une fiche du Plan directeur cantonal, les Communes des cœurs de pôle des régions du canton du Jura doivent se réunir pour mettre en place un Plan directeur régional (PDR), initialement réalisé pour développer et aménager le territoire. Cette fiche donne des droits à ces Communes en termes de développement et d’accueil d’emplois et d’habitants. Nous nous sommes dit que ce document a l’air de punir les autres communes. Nous avons donc décidé de ne pas limiter cet outil au Pôle régional de Porrentruy et nous avons mis en place un Plan directeur régional (PDR) pour l’ensemble du district.
Quand a-t-il démarré, et de quelle manière?
Tout a commencé fin 2016, année durant laquelle Courgenay a réuni toutes les Communes du Pôle régional pour en discuter. Le PDR a débuté l’année suivante par une longue phase de diagnostic, justement car nous avons décidé d’englober l’ensemble du district. Il a fallu que nous présentions aux Communes ce projet pour qu’elles nous donnent leur accord, ou non: celles faisant partie du Pôle régional étaient obligées d’y prendre part, pas les autres. Nous avons dû toutes les rencontrer, découvrir leurs problématiques et voir comment ce PDR pouvait peut-être les aider. Un cahier des charges a ensuite été établi et un appel d’offres lancé à trois entités. En 2018, le Syndicat intercommunal du district de Porrentruy (SIDP) a attribué le mandat au Bureau RWB Jura SA, appuyé par Biotec pour les aspects environnementaux et par Citec pour la mobilité. Le phasage du projet a été établi, comprenant un diagnostic territorial, suivi d’une conception directrice ainsi que l’élaboration de fiches thématiques. Notons que le financement s’est partagé entre toutes les Communes par le biais du SIDP, et que nous avons été soutenus par la Société d’équipement de la région d’Ajoie et du Clos du Doubs (SEDRAC). Les Communes ont aussi mené le débat de la répartition de la croissance prévue en matières d’habitants et d’emplois. Elles ont signé, en mars 2019, une charte ayant pour objectif la définition du périmètre ainsi que l’ancrage du principe de répartition de la croissance de la population et des emplois estimé à l’horizon 2030, puis 2040. Ceci dans le contexte du dimensionnement de la zone à bâtir afin de permettre une planification à l’échelle locale.
Notons que deux outils ont vu le jour pour ce faire…
Effectivement. Différents maires se sont réunis à travers un comité de pilotage (CoPil) pour valider les différentes phases que nous avons ensuite présentées à une commission d’aménagement (ComA) réunissant l’ensemble des Communes du district. Le but de celle-ci était de sanctionner, de poser d’autres questions et de ramener les sujets auprès des Conseils communaux pour ensuite continuer d’avancer sur le projet. C’est un outil que nous avons utilisé pendant un certain moment. Après, lorsque nous sommes arrivés dans des phases un peu plus pointues, notamment quand les Communes devaient valider des points, nous avons invité l’ensemble des Conseils communaux par secteur. Ce qui est particulier, c’est qu’il s’agit d’un document stratégique qui donne des orientations que les exécutifs maîtrisent, comme les Plans d’aménagement locaux (PAL): le PDR est du ressort de l’assemblée des délégués du SIDP, et non des assemblées communales, donc de la population. Il n’est pas opposable.
Finalement, quel est son but?
Par le biais des lois supérieures, nous étions obligés de nous réunir pour planifier ensemble certains développements. Il fallait voir au-delà des frontières communales dans le cas de différentes thématiques. Finalement, il a permis de travailler ensemble pour que tout le monde soit gagnant. Quelque part, le PDR est un facilitateur dans le but de discuter et poser les choses ensemble. Nous avons défini des stratégies mais ce n’est pas le SIDP qui les mettra en place. Ces idées seront appliquées par les Communes et certaines seront soumises à opposition, et votées par les assemblées.
Après la phase de diagnostic, le CoPil a donc établi une vision stratégique de l’avenir souhaité pour le district d’Ajoie et du Clos du Doubs. Plusieurs fiches traitant des thématiques ont été établies. Il y a d’abord la gouvernance. Qu’en est-il?
Le Copil a voulu réaffirmer le rôle du SIDP comme organe de coordination régionale. Il a été investi de la mission de porter le projet. Les Communes reconnaissent également le rôle du SIDP pour l’élaboration des planifications à l’échelle régionale. Le SIDP réunit les compétences techniques afin de porter les projets d’aménagement du territoire communs et d’accompagner les Communes dans leurs projets locaux. La réhabilitation de l’habitat en centres anciens (RHCA), le développement des zones d’activités et la valorisation des friches industrielles ou urbaines seront notamment au cœur de l’activité du SIDP ces prochaines années. Notons que ce qui fait le SIDP en matière de revalorisation donne un accès à une répartition fiscale pour l’ensemble de la région.
«La fiscalité de ces sites sera répartie entre toutes les Communes du district»
Quelles sont les autres thématiques?
Urbanisation. La première chose était de répartir les emplois et habitants dans le pôle régional de Porrentruy, pour que ces Communes puissent commencer à travailler sur leurs plans d’aménagement locaux (PAL). Ensuite, plusieurs défis sont présents dans cette thématique, comme la politique énergétique de 2050: nous donnons par exemple des idées pour valoriser la nature en ville, pour éviter les effets du réchauffement climatique. Autre piste: permettre aux personnes âgées isolées dans leurs maisons familiales de déménager dans des appartements adaptés créés dans leur village. On pourrait ainsi éviter de les déraciner de leur tissu social, pour que des jeunes du village s’installent dans ces bâtiments inoccupés, ce qui garantirait une rotation démographique. Nous avons aussi identifié les infrastructures sportives d’importance régionale pour permettre aux Communes de continuer de les développer. L’objectif pour les villages du district sera de garantir un accès aux services de base pour l’ensemble de la population et de dynamiser le centre des localités. Le SIDP valorisera notamment en priorité le secteur stratégique d’intérêt cantonal et régional de la gare de Porrentruy en collaboration avec les autorités et les services du chef-lieu ajoulot. Ce site doit avoir une vocation mixte comprenant habitat et activités économiques et le développement d’un incubateur d’entreprises y est souhaité. Et doit devenir un élément marquant de la transition énergétique grâce à la création d’une gare routière favorisant l’accès rapide et efficace d’un moyen de transport à un autre. Des secteurs stratégiques ont également été identifiés pour accueillir les zones d’activités d’intérêt régional, qui seront destinées à accueillir les industries. Encore une fois, la fiscalité de ces sites sera répartie entre toutes les Communes du district.
«Il n’est pas encore naturel, mais important, de se tourner vers la France»
Tourisme. Tout d’abord, nous devons relever que le district en lui-même est une destination touristique. Les vieilles villes de Porrentruy et de Saint-Ursanne constituent les deux pôles principaux et forment, avec la Vallée du Doubs, la région de Haute-Ajoie et la région de la Vendline, la base d’une offre touristique globale. Nous devons créer des liens entre les différents points d’intérêt, maintenir cette interconnexion. Si nous voulons que les touristes restent un peu plus longtemps chez nous, il est important de faire travailler ensemble tous ces éléments touristiques importants. L’accessibilité en transport public est donc évidente. La région se positionne comme une destination de tourisme doux et durable: nous avons des voies équestres, des pistes cyclables, ou encore des chemins pédestres. Nous devons donc développer l’offre touristique autour de ces axes de mobilité douce. Ce qui nous manque clairement, ce sont les hébergements. Autre point: il n’est pas encore naturel mais important de se tourner vers la France, pour trouver des accords avec des acteurs touristiques afin de renforcer nos liens avec nos voisins.
Mobilité. Nous avons un gros déficit de connexions ferroviaires extra-régionales. Nous aimerions une fréquence à la demi-heure entre Porrentruy et Delle. Un autre élément important serait de réussir à obtenir un train direct entre Porrentruy et Bienne. Nous nous sommes rendu compte que beaucoup d’Ajoulots prennent la voiture jusqu’à Delémont pour ensuite prendre le train, il faut sortir de ces habitudes. Notons aussi que la création d’une halte vers Roche-de-Mars serait une bonne chose: nous y trouvons L’Ecole des Métiers Techniques, une zone d’activité toujours plus importante, et la patinoire. Et puis il y a cet énorme projet sur lequel le SIDP travaille avec la municipalité de Porrentruy, la gare routière. Celle-ci doit constituer le nœud d’une mobilité régionale multimodale et les solutions de mobilité innovantes sont notamment encouragées. Il s’agit d’un projet fédérateur qui doit aussi permettre la création de «voies vertes» réservées aux mobilités douces. Dans ce sens, indiquons enfin que nous aimerions, lorsque des pistes cyclables sont développées, mettre sur pied des voies vertes, c’est-à-dire des axes qui seraient des sites propres. Ceci éviterait des pistes cyclables qui sont uniquement délimitées par un marquage le long de la route: on ne s’y sent pas à l’aise, pas en sécurité. Enfin, des solutions innovantes s’offrent à nous, comme les navettes autonomes, la mobilité partagée, ou l’électro-mobilité.
Nature et paysage. Nous nous sommes principalement intéressés à cette thématique dans le bâti ou dans sa proximité, car l’agriculture et la forêt sont des domaines extrêmement réglementés. Il ne sert à rien de proposer des stratégies alors qu’il existe des Plans directeurs pour les forêts. Pareil pour l’agriculture: une législation a été développée par des spécialistes. Au pire ce serait contre-productif et au mieux totalement inutile. Les enjeux liés à la nature et au paysage sont donc orientés vers une adaptation du milieu urbain aux changements climatiques, ce qui renvoie notamment aux îlots de chaleur. Nous trouvons partout des secteurs très gris, minéralisés, qui manquent de vert, alors que celui-ci apporte un bien-être aux habitants. Il s’agit d’un levier intéressant pour diminuer le réchauffement climatique et rendre les villes plus vivables. De plus, nous nous sommes dit qu’il fallait adapter les essences aux conditions. Si nous voulons continuer de disposer du vert et que celui-ci joue son rôle, nous devons planter des arbres adaptés, qui vont résister à la chaleur. Et puis nous trouvons également dans cette fiche tous les éléments relatifs à la biodiversité: nous avons envie de mettre au point des îlots de verdure, que des ensembles cohérents pour la nature et sa biodiversité voient le jour. La Municipalité de Porrentruy sert d’exemple aujourd’hui avec son plan directeur de l’arbre et de la nature en ville.
Vous l’indiquez tous ces domaines sont posés sur la thématique environnementale.
Tout à fait. Nous ne pouvons pas limiter cette thématique à un secteur. Nous avons traité l’environnement comme cadre général dans nos différents domaines d’activités, car c’est un thème qui est partout. Dans chaque fiche, nous avons identifié des mesures propres à l’environnement.
Propos recueillis par Kathleen Brosy