PORRENTRUY Cette année, le spectacle du cirque Starlight s’intéresse au «Moi», d’où son titre. Le metteur en scène et fils Christopher D. Gasser désirait que sa création laisse place à de multiples interprétations. Après plusieurs dates ajoulotes, le spectacle est actuellement en tournée en Suisse romande.
Il est un peu plus de 19h, en ce doux soir, lorsque nous rejoignons le chapiteau en Roches-de-Mars, à Porrentruy. L’infrastructure illuminée se dresse devant nous, sous un ciel étoilé. A l’intérieur, les artistes sont sur le point de prendre part au filage, la mise en scène du spectacle dans les conditions réelles mais sans le public, afin notamment de permettre aux techniciens de régler sons et lumières. Nous possédons une vingtaine de minutes pour nous entretenir avec le fils et metteur en scène Christopher D. Gasser, qui a mis au point pour Starlight un spectacle pour la quatrième fois – troisième en comptant une tournée annulée en raison de la crise sanitaire.
«Cette proposition parle de toi, de nous, de vous, d’eux, mais surtout de moi. A travers les arts du cirque, du théâtre, de la danse et de la musique live, nous entrons dans la tête, abordons cette voix intérieure qui nous guide, cette question philosophique du “qui suis-je? Ne suis-je pas?”», nous explique le trentenaire. Pour le Jurassien passionné de philosophie, cette thématique était intéressante à traiter: «Il y a passablement de pistes à explorer dans une création de six semaines, mais il s’agit d’un thème délicat: il faut trouver un juste milieu, ce qui est un réel challenge. Nous pouvons rapidement plonger dans quelque chose de trop enfantin, il est important de ne pas aller dans les extrêmes.» Ainsi, le nouveau spectacle de la famille Gasser, «complexe, profond, et en avance sur son temps» possède une double vision: «Il est compréhensible pour tous. Les adultes en tireront d’autres choses que les plus petits.»
Pas de réponses mais des questions
Le metteur en scène est toutefois clair: «Je ne donne pas de réponses, je pose juste des questions. Le but n’est pas de donner une leçon, ou des solutions.» Christopher D. Gasser désire réellement, à travers «Moi», que les spectateurs reprennent confiance en leur propre interprétation, «sans vouloir chercher ce que les autres ont compris». Il renchérit: «Cela signifie avoir le courage de se dire que “mon interprétation est valable, je n’ai pas besoin d’aller la vérifier auprès de mon voisin ou sur internet pour chercher la réponse juste”.» Pour lui, cette habitude relève d’un phénomène de société: «Nous voulons être différents mais en même temps pareils. Nous désirons tous la même chose, nous avons peur d’être jugé si ce n’est pas le cas. C’est pourquoi mon nouveau spectacle propose différentes interprétations.» Toutefois, pour le Jurassien, la réelle question à se poser ne renvoie pas à l’histoire: «Le principal, finalement, est de passer un bon moment. Pourquoi devons-nous toujours chercher plus loin?»
Notons également deux clins d’œil réalisés par Christopher D. Gasser à travers ce spectacle auquel 12 artistes, trois musiciens et deux acteurs prennent part: le premier à sa création pour le cirque familial de 2021 «Limbes», le second à un futur projet de sa compagnie 100 Doutes, mené avec le régional Romain Guélat, et portant sur l’univers du cyberpunk. «Dans “Moi”, nous nous plongeons dans le passé, le présent mais aussi le futur.»
Kathleen Brosy
Starlight est actuellement en tournée. Programme et billetterie sur www.cirquestarlight.ch
«Il est important d’évoluer avec son temps»
Qu’en pense Jocelyne, la maman, fondatrice et directrice du cirque avec son mari? «Ce spectacle est un joli défi. Heinrich et moi avons toujours été avant-gardistes. Christopher continue sur cette lancée.» Comme elle le souligne, le couple a donné carte blanche à son fils. Elle poursuit: «En plus d’être un tremplin pour la jeunesse, il est important d’évoluer avec le temps, de s’adapter à la société. Nous avons toujours eu le courage, la passion et la confiance pour ce faire.»
La Jurassienne indique sa propre interprétation: «Pour moi, il représente tout ce que nous vivons aujourd’hui, en abordant ce que nous lisons, cette overdose de questionnements, de bombardements négatifs. Mais comme a l’habitude de dire mon époux, “dans chaque chose négative, nous trouvons du positif. Il faut juste savoir le reconnaître et l’utiliser.”»
Enfin, Jocelyne Gasser indique que «Moi» surprend: «Il s’agit de notre leitmotiv. Nous ne savons jamais à quoi nous attendre avec Starlight. Cela reflète notre caractère, notre passion, notre train de vie.» KB